p'tite carte pour JORDAN

28 août 2006

poême écrit par ta maman :

un petit texte rédigé lors d'un atelier d'écriture auquel je participe depuis deux ans et dans lequel il fallait obligatoirement insérer les clichés suivants :

- Tout vient à point à qui sait attendre

- De l’esprit naît la sagesse

- Dieu n’en resta pas là

Il fit la chaise,

Puis il se reposa,

Beaucoup plus à son aise
- Tomber au 3ème dessous

Tomber au 3^ème dessous …
Jamais je n’aurais pu imaginer que cela puisse m’arriver un jour.
J’avais l’avenir devant moi et, pleine d’illusions, je voyais la vie en rose : de solides études, un bon métier, un mariage heureux et de beaux enfants. Un vrai conte de fées !
Mais, les fées qui se sont penchées sur mon berceau en ont décidé autrement.
Pourtant, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, ou du moins, au début !
J’étais fière de la vie que je bâtissais : diplôme supérieur en poche, un travail intéressant dès la fin des études et, cerise sur le gâteau, j’épousais l’homme que j’aimais ! Puis Joanna est née, belle comme un cœur, non pas blonde comme les blés, mais brune au teint mat avec de grands yeux noirs ! Le Seigneur nous avait comblés !
Oui, mais voilà :
« Dieu n’en resta pas là,
Il fit la chaise
Puis il se reposa
Beaucoup plus à son aise »

« Nous n’en restâmes pas là non plus,
Nous eûmes un fils, un petit Jordan,
Et le rêve s’est écroulé avec sa venue,
Point de repos avec un enfant différent »

Des premiers jours, des premières semaines, des premiers mois, je ne conserve que douleur, colère, refus : pourquoi nous ? Je me sentais responsable, je m’en voulais de n’avoir pu lui donner le fils idéal ! Je fuyais le monde, évitais les questions, refusais cette pitié que je lisais dans les regards ! J’aurais voulu pouvoir me cacher, disparaître avec ce bébé que l’on regardait drôlement !
Adieu veaux, vaches, cochons, couvées ! Adieu les beaux rêves ! Bienvenue cruelle réalité !
Les années se sont écoulées et les problèmes se sont multipliés. Les évoquer ici serait trop long, long comme un jour sans pain. En résumé, un souci en chassait un autre : je ne compte plus les hospitalisations, les portes qui se ferment l’une après l’autre, les bribes d’espoir balayées d’un revers par une réalité sans indulgence !

Jordan a grandi, bon an, mal an.
Il fête aujourd’hui ses 16 ans, ne s’exprime pas correctement, ne saura sans doute jamais lire ni écrire (une douleur sans nom pour moi qui aime tant les livres !) et personne n’est en mesure de prédire quel sera son avenir. Rien de bien réjouissant ! Et pourtant …
Pourtant, tout vient à point à qui sait attendre … De cet enfant sur qui le sort s’est acharné, j’ai tout appris. Jordan m’a enseigné le pardon, l’acceptation, l’abnégation. Sa joie de vivre, malgré les épreuves, est mon rayon de soleil. Il est ma fierté, lui que les autres rejettent, car je lui dois d’être aujourd’hui celle que je suis : tolérante et d’une ouverture d’esprit bien plus grande.
Je relativise désormais car je suis consciente que le plus important est ailleurs. Ce n’est pas de la sagesse, loin de là, car s’il est dit que de l’esprit naît la sagesse, moi, je suis convaincue que la vraie sagesse appartient aux simples d’esprit !